« En collaboration avec les organisations communautaires, l’État peut retirer de force les enfants des sites d’orpaillage » Gassama Dembélé, Adjoint au maire de Saraya

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Extraits

Pouvez-vous nous dire quelle est la part des activités extractives dans les transformations économiques et sociales à l’échelle locale?

L’exploitation artisanale était une activité qui rendait vraiment florissante l’économie de la localité que soit à l’échelle communale, régionale et même nationale. Il fut des années où nous étions comblés. Cela a permis de très profondes mutations au niveau social. Par exemple, beaucoup de jeunes sont parvenus à construire de belles maisons un peu partout et cela a changé la configuration de l’habitat dans la commune de Saraya.

Par rapport à l’industrie extractive, nous bénéficions d’un accompagnement sur le plan social que ce soit dans le cadre de la responsabilité sociale de l’entreprise et ou dans le cadre du développement local. Des sociétés nous accompagnent dans la réalisation d’infrastructures comme les écoles, la construction des cimetières, des cases de santé voire des postes de santé mais aussi un accompagnement dans l’acquisition de kits scolaires dans certains établissements.

Au niveau local, l’extraction industrielle et celle artisanale apportent beaucoup même si ce n’est pas tout à fait optimal compte tenu des attentes que nous avons.

Sur le plan environnemental, y-a-t-il des mesures qui sont prises pour limiter les dégâts que pourrait avoir l’exploitation des mines?

Si nous prenons le cas de l’extraction industrielle, l’environnement, notamment la végétation, a quand même subi des désastres. Souvent, pour certains travaux, il faut défricher de grandes surfaces que ce soit pour creuser des mines ou pour enfouir les tuyaux grâce auxquels ils puisent de l’eau le long de la rivière Falémé. De là au camp, j’ai vu ce qui a été fait à l’environnement et c’est vraiment difficile.

Comme ces industries travaillent de concert avec les services étatiques par rapport à la protection de l’environnement, il faut prendre des mesures allant dans le sens de limiter les dégâts. Après l’exploitation des mines, il faut aussi penser à restaurer l’environnement.

Le mercure, le cyanure et d’autres produits plus nocifs font qu’à long terme, nous avons des soucis par rapport à la contamination de la nappe phréatique qui peut causer des maladies

Également, nous avons des soucis à long terme – pas maintenant, mais à long terme – par rapport à certains produits qui sont utilisés dans le cadre de cette exploitation-là. Le mercure, le cyanure et d’autres produits plus nocifs font qu’à long terme, nous avons des soucis par rapport à la contamination de la nappe phréatique qui peut causer des maladies. Il y a cet aspect de la question qui n’est pas à négliger et des mesures doivent être prises pour limiter les dégâts.

Parlons du travail des enfants dans les mines. Il est connu qu’ils sont nombreux. Peut-on lier ceci à la précarité dans laquelle vivent les populations?

Oui, il faut le dire. Souvent, c’est difficile dans nos zones. La pauvreté sévit et les gens n’hésitent pas à envoyer les enfants dans les mines. Souvent, les enfants ne partent pas d’eux-mêmes mais ils vont avec leurs parents pour chercher de l’or. Je pense que fondamentalement, il y a la précarité. Sinon la place des enfants ne se trouve pas dans les djouras* (mines d’or). Ils doivent être à l’école ou dans les structures de formation professionnelle. C’est là où ils peuvent éviter certains risques, là où ils peuvent être bien encadrés pour assurer la relève. Dans tous les cas, on ne cessera pas de sensibiliser sur ce phénomène-là. Il faut que l’on inverse la tendance et que les enfants soient dans les écoles ou dans les structures de formation plutôt que d’être dans les sites d’orpaillage.

Les minerais ont une durée de vie. Si la jeunesse qui doit assurer la relève, a été orientée ou bien s’est elle-même orientée dans ces activités-là, cela peut poser des problèmes demain pour la relève.

Il faut que l’on inverse la tendance et que les enfants soient dans les écoles ou dans les structures de formation plutôt que d’être dans les sites d’orpaillage

Les enfants sont-ils sensibilisés aux conséquences sanitaires liées à la fréquentation de ces sites?

Oui. Je crois que la sensibilisation se fait depuis quelques années avec l’implantation de la radio communautaire Giggi-Sembé. C’est le lieu de leur rendre hommage car ils font un travail extrêmement important en disant à chaque fois que la place des enfants est à l’école et dans les structures de formation et non dans les sites d’orpaillage.

On peut ajouter l’action des forces de sécurité pour que les enfants puissent être hors des sites d’orpaillage qui est un lieu qui ne les arrange pas, un lieu de déperdition et de risques énormes

La préoccupation de l’État du Sénégal pour le bien-être des enfants ne souffre d’aucun doute. Beaucoup de structures dans les ministères travaillent pour améliorer la situation des enfants et des femmes. Les organisations partenaires du Sénégal travaillent aussi à la protection des enfants. A cela, il faut ajouter l’implication des chefs de village au niveau des djouras. Il faut également souligner l’implication des structures qu’on appelle tomboulmans* (gardiens de mine) qui continuent à sensibiliser et parfois à identifier les parents de ces enfants-là et les retirer de force des sites d’orpaillage. Leur contribution peut être complétée par l’action des forces de sécurité afin que les enfants puissent être hors des sites d’orpaillage qui est un lieu qui ne les arrange pas, un lieu de déperdition et de risques énormes que ça soit par rapport à la maladie ou par rapport aux mauvais comportements chez les garçons comme chez les filles.

 

Crédit photo: Niarela

Gassama Dembélé

Gassama Dembélé est le 1er adjoint au maire de la commune de Saraya.

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