Anta Dione, Professeur: “Les garçons abandonnent l’école pour aller vers les sites d’orpaillage”

Les entretiens de WATHI – Les régions du Sénégal – Focus Kédougou

Anta Dione

Anta Dione est professeur d’enseignement moyen général et chargée du bureau Genre et Statistiques à l’Inspection de l’Académie de Kédougou.

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Extraits

La qualité reste insuffisante due à certains paramètres, à savoir le niveau d’expérience des professeurs qui sont affectés dans la région. Le plus souvent, ce sont des professeurs qui sortent récemment des écoles de formation. Ce sont des professeurs qui viennent de débuter leur carrière qui ont beaucoup de lacunes pour pouvoir tenir des élèves qui ne sont pas assez ouverts, assez cultivés, par rapport aux élèves qui sont par exemple à Dakar ou à Thiès, etc. Ce sont ces élèves (de la région de Kédougou) qui ont plus besoin de professeurs expérimentés que d’autres élèves.

Il n’y a presque rien dans leurs têtes, parce qu’ils n’ont pas eu la chance de voyager, de découvrir certaines choses, d’avoir à leur disposition des bibliothèques, des ordinateurs comme des élèves des autres académies

Une fois dans les salles de classe, on a du mal à cerner le cadre dans lesquels on est. Lorsqu’on a eu à faire des stages à Dakar, on était devant des élèves qui sont au moins un peu cultivés. Contrairement à ici où il n’y a presque rien dans leurs têtes, parce qu’ils n’ont pas eu la chance de voyager, de découvrir certaines choses, d’avoir à leur disposition des bibliothèques, des ordinateurs comme les élèves des autres académies.

Lorsque tu fais un cours ici à Kédougou, tu animes toute la séance, il n’y a pas de participation parce qu’ils n’ont rien à sortir par rapport à ce que tu dis. Tout ce qu’ils peuvent dire, cela se limite à leur quotidien dans leur maison, dans leur village. Surtout dans certaines matières, c’est tout un problème de dispenser un cours durant deux heures. Tu es le seul à parler, tu as beau les inciter à parler, tu n’as aucune réponse. C’est difficile pour un débutant. Cela joue sur la qualité de l’enseignement, sur les résultats au niveau des examens. Les taux de réussite ici sont très faibles.

Il y a des choses à améliorer comme la séparation des toilettes entre filles et garçons et le fait de prévoir des rampes pour les handicapés.

Dans les écoles de niveau primaire, dans Kédougou commune, la majorité des écoles sont bien construites avec du ciment. Mais dans les villages, la majorité des écoles sont des abris provisoires, souvent en paille.

Dans les écoles secondaires, la majeure partie des établissements sont bien construits. Même s’il y a des choses à améliorer comme la séparation des toilettes entre filles et garçons et le fait de prévoir des rampes pour les handicapés. Ces choses ne sont pas encore respectées dans la construction de ces établissements.

Chez les garçons, surtout du côté de Saraya, on note que les garçons abandonnent l’école pour les sites d’orpaillage, les djouras pour chercher de l’or à revendre, pour pouvoir gagner quelque chose

Une fois au secondaire, on a plus de garçons dans les salles de classe que de filles. Le niveau de présence des filles diminue carrément par rapport à l’école primaire. Pour les filles, c’est parfois dû à des grossesses précoces, des mariages précoces, la pauvreté qui fait qu’elles sont obligées d’aller chercher du travail pour (aider) leurs parents.

On note aussi que la présence des garçons a un peu baissé. Chez les garçons, surtout du côté de Saraya, on note que les garçons abandonnent l’école pour les sites d’orpaillage, les djouras pour chercher de l’or à revendre, pour pouvoir gagner quelque chose. L’enfant a besoin de références dans sa vie, d’idoles. La majeure partie des personnes qui réussissent dans leurs villages, ce sont celles qui sont parties sur les sites d’orpaillage chercher de l’or. Elles reviennent pour s’acheter de beaux vêtements, etc. Les enfants se disent que c’est cela le chemin à emprunter, c’est ce qui donne de l’argent et pas les études. C’est aussi un défi à notre niveau, les sensibiliser sur le fait qu’ils peuvent aussi réussir avec les études.

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