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Extraits
Pourquoi le numérique est-il le prétexte idéal pour travailler sur les questions de jeunesse?
Le numérique est le prétexte idéal parce que s’il y a une chose qui a transformé nos sociétés, c’est le numérique. Je vous donne des chiffres: nous avons des jeunes, notamment dans les centres urbains, qui passent en moyenne quatre heures de temps par jour sur Internet. Les jeunes ne sont pas seulement connectés, ils vivent connectés. Même quand on dort, nos téléphones continuent de fonctionner. Il y a une étude qui l’a si bien démontré. On a demandé à des jeunes entre 15 et 25 ans le temps qui sépare leur réveil et leur première utilisation du smartphone et le temps qui sépare leur dernière utilisation du sommeil, on était à moins de 5 mn. Cela illustre bien le fait que l’on vit connecté.
On a demandé à des jeunes entre 15 et 25 ans le temps qui sépare leur réveil et leur première utilisation du smartphone et le temps qui sépare leur dernière utilisation du sommeil, on était à moins de 5 mn
Nous sommes super connectés et cela va avoir des répercussions dans nos habitudes de vie et dans nos habitudes de consommation qui ont beaucoup évolué. Nous ne consommons plus les choses de la même manière avec Google et Internet. Nous n’avons plus accès à l’information de la même manière. Pour avoir accès à de l’information quotidienne sur le pays, on achète plus le journal à 100 francs mais on va plutôt aller sur Dakaractu, sur Seneweb et d’autres plateformes en ligne. On n’interagit plus de la même manière, on ne travaille plus de la même manière avec le numérique, et cela a un impact sur tous les domaines de la vie : l’accès à l’information, la participation politique, l’éducation, l’employabilité, les emplois de demain etc.
Cela a également un impact sur la vulnérabilité des jeunes, qui sont confrontés à plusieurs dangers liés au numérique tels que le piratage, le harcèlement, etc. Comment considérez-vous la question de la sécurité numérique?
C’est la première question. Le premier enjeu pour les jeunes se rattache à la question de l’usage avisé des outils du numérique. C’est la question de la confiance entre l’utilisateur et ces outils du numérique. Parmi ces jeunes qui sont très connectés, neuf sur dix ont au moins une fois fait face à des contenus inappropriés. Cela peut être du contenu à caractère sexuel qui est le plus connu mais il n’y a pas que cela. Cela peut être des jeux de hasard, des jeux d’argent, du contenu qui fait la promotion de la violence, de la haine, de l’extrémisme.
Il y a une urgence à accompagner les jeunes pour qu’ils fassent un bon usage d’Internet et qu’ils soient suffisamment outillés pour faire face à ces dangers liés au numérique tels que le darkweb, le piratage, le harcèlement et plein d’autres insécurités.
En août 2020, 64% des parents nous disaient qu’ils étaient insuffisamment outillés pour accompagner les jeunes de leur entourage et leurs enfants vers un usage avisé d’Internet
Nos États et la société civile gagneraient à accompagner notre jeunesse à avoir ces aptitudes de base, ces nouvelles compétences de vie qu’on doit avoir : comment se protéger sur Internet, comment créer un bon mot de passe, comment protéger ses données personnelles, comment éviter d’être piraté, comment faire face à du contenu inapproprié, etc.
Pour cela, il y a une dimension liée aux jeunes et il y a une dimension liée aux parents. A Polaris, nous avons fait une enquête pour avoir plus d’idées sur la manière dont s’exerce la parentalité à l’ère du numérique. Aujourd’hui, les parents sont dépassés.
En août 2020, 64% des parents nous disaient qu’ils étaient insuffisamment outillés pour accompagner les jeunes de leur entourage et leurs enfants vers un usage avisé d’Internet. A Polaris, nous avons créé le programme « Mission parents 2.0 » qui accompagne les parents à mieux comprendre les outils du numérique et à faire des choses comme mettre en place un logiciel de contrôle parental sur internet. Accompagner ses enfants sur le numérique, ce n’est pas seulement une question de contrôle parental et de restriction, c’est aussi une question d’éducation, de dialogue avec ses enfants.
Il y a aussi beaucoup d’espoir que donne le numérique, notamment en termes d’employabilité, de création de nouvelles chaînes de valeur. Quelles sont les opportunités pour les jeunes ?
Le numérique peut être un levier de croissance pour les start-up et pour les PME, surtout pour les PME. Il faut mener ce combat pour que le numérique ne profite pas seulement aux géants : Google, Facebook, Orange, Sonatel, etc., mais profite aux PME et aux TPME dans nos quartiers afin qu’ils puissent utiliser le numérique pour aller vers la croissance.
On sait qu’une entreprise qui a réussi sa transformation numérique a trois fois plus de chances de croître que celle qui a raté sa transformation numérique. Réussir sa transformation numérique c’est permettre à ses utilisateurs d’avoir accès à de l’information ou bien à des produits sur Internet à travers des plateformes qui sont bien élaborées et très intuitives. C’est vraiment une opportunité pour les grands groupes, mais surtout pour les petites et moyennes entreprises, pour le boulanger du coin, pour l’artisan, pour le peintre, etc.
Cela pose aussi une autre question qui est celle de l’agritech. Nous sommes dans des pays qui vivent pratiquement de l’agriculture. Le numérique peut être une solution pour améliorer cette chaine de valeur. C’est un peu dommage qu’on n’utilise pas encore assez ces technologies mais il y a des solutions comme Baye séddo ou Soreetul qui existent et qui permettent à nos papas et mamans agriculteurs d’écouler leurs produits et aux artisans de valoriser leur savoir-faire.
Il y a aussi la question des arabisants qui s’est posée, des jeunes qui ont eu une bonne formation mais qui ont eu la malchance de ne pas parler le français dans un pays francophone et qui, par conséquent, ont des problématiques d’insertion professionnelle. Le numérique peut être un levier pour insérer ces arabisants. Il y a tout un écosystème à mettre sur pied dont le cœur est l’éducation au numérique.
Par où commencer pour les jeunes qui veulent se former aux compétences du numérique pour avoir plus d’opportunités ?
Déjà, il faut commencer par trouver sa vocation, trouver un métier qui est en lien avec ses aspirations et sa personnalité. Le numérique est très vaste. Qu’on soit à l’aise dans la littérature, dans la science ou dans les séries techniques, tout le monde peut trouver sa place. La première étape est de se poser la question : parmi cette panoplie de métiers qui existent dans le numérique, qu’est-ce qui me conviendrait le mieux?
Je conseillerais de commencer par tâter le terrain avec des formations qui sont en ligne. Il existe des centaines de formation sur le numérique qui sont pour la majeure partie gratuite. Vous vous formez avec 0 franc et mieux, après cette formation, vous pouvez avoir une certification qui vous permet de valoriser votre profil et que vous pouvez mettre dans votre cv. Il y a les plateformes comme Google ateliers numériques, Unow, Coursera, Udemy, Sewema qui est une plateforme africaine, etc.
Il y a plein de certificats qui existent en ligne pour s’entrainer. Et si le domaine les intéresse davantage, pourquoi ne pas réfléchir à intégrer une formation courte ou longue. Les jeunes ont l’opportunité de suivre un cursus LMD dans le numérique tout comme ils peuvent avoir l’opportunité de se former dans un temps court, en six mois, sur des métiers très spécifiques tels que le développement web, le community management avec des organismes comme Polaris, Simplon, etc.
Comment le numérique peut aider à réveiller l’engagement citoyen chez les jeunes ?
Je trouve que le numérique le réveille déjà d’une certaine manière. Par exemple, avec le phénomène « VAR » sur les réseaux sociaux, les jeunes sont vigilants à l’endroit des politiciens qui font des promesses et ensuite se dédisent. Il y a beaucoup de jeunes qui, de manière physique, n’allaient jamais avoir un acte citoyen ou politique. C’est un acte citoyen très proche de la politique que d’aimer ou de partager une vidéo « VAR ». On voit des jeunes qui le font.
Il faut avoir un esprit critique car c’est très compliqué d’avoir un débat constructif et posé sur les réseaux sociaux. Néanmoins, lorsqu’on voit les commentaires, il y a des jeunes qui posent ce que je considère comme des mini actions citoyennes. Dans ce sens, le numérique est un levier qui favorise l’engagement et qui fait que des jeunes qui n’allaient jamais avoir un acte citoyen ou politique, par la facilité du clic, posent ces actes.
Cela déteint aussi sur leur comportement en tant que citoyens et peut commencer à faire germer des choses en eux. Au-delà de ceci, il y a des sites de pétition comme change.org. En termes de contrôle citoyen, d’interaction entre l’homme politique et les jeunes, le numérique peut être un excellent levier.
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