Astou Sakho, Présidente d’association de femmes: « Si on investissait à Kédougou la même somme qu’à Diamniadio, alors la région se développerait »

Les entretiens de WATHI – Les régions du Sénégal – Focus Kédougou

Astou Sakho

Astou Sakho a créé une association qui regroupe des femmes de la région de Kédougou autour d’activités économiques et sociales.

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Extraits

Traduction du wolof en français

Les femmes de Kédougou sont éloignées de la capitale du Sénégal. Tout ce qui entre dans le cadre du financement, dans le cadre des activités professionnelles etc., est plus accessible dans la capitale plutôt qu’à Kédougou. La région est à plus de 700 km de la capitale.  C’est la région la plus éloignée de la capitale. Les femmes qui y vivent veulent travailler et avoir des financements mais cela est plus difficile comparé aux femmes dans la capitale. Les femmes de Kédougou ont besoin de financement et de formation, surtout les jeunes filles. Elles ont vraiment besoin de formation.

L’un des plus grands défis auxquels nous faisons face c’est que certaines femmes ont des compétences pour exercer un métier spécifique mais elles n’ont pas la chance d’exercer ce métier. Une fille peut avoir des compétences dans le domaine de la coiffure, de la restauration ou de la couture mais elle manque de moyens pour exercer ce métier et être indépendante. Cela pose problème.»

Il y a des jeunes filles qui sont issues de familles défavorisées. Parfois, elles sont obligées d’abandonner les études à cause d’un manque de moyens. Souvent, leurs parents ne sont pas à l’aise financièrement pour leur permettre de poursuivre leurs études. Ces filles ne savent pas comment s’y prendre pour continuer les études. Par exemple à Kédougou, il n’y a pas beaucoup d’écoles privées, encore moins des écoles de formation. Il y a une seule école dans le domaine technique: le lycée technique de Kédougou. Il est difficile d’y accéder si tu ne passes pas par l’école publique. Si les filles avaient des écoles de formation disponibles à Kédougou, je pense que ce serait une excellente chose.

Pour la question de l’or, personne n’ignore qu’un pourcentage de ces ressources doit revenir aux populations vivant dans les zones aurifères. Mais la question est de savoir si la population tire vraiment profit de ce pourcentage. Personne ne le sait. Cet argent qui devrait être utilisé pour le social, nous ne l’avons pas vu et ne savons pas comment y accéder. D’un autre côté, il a des femmes qui sont démunies. Certaines d’entre elles fréquentent les zones aurifères pour s’adonner à certaines pratiques. Il est avéré que ces femmes qui se comportent de cette façon peu morale dans ces endroits ne sont pas des Kédovines. Elles viennent d’autres pays comme le Nigeria, le Mali, la Gambie, la Guinée. Les femmes qui s’adonnent à ces pratiques viennent de ces pays. Quant aux femmes de Kédougou, si vous les trouvez dans les zones aurifères, c’est qu’elles font du commerce, vendent de la glace, ou s’activent dans la restauration etc.

L’un des plus grands défis auxquels nous faisons face c’est que certaines femmes ont des compétences pour exercer un métier spécifique mais elles n’ont pas la chance d’exercer ce métier

On recense beaucoup de problèmes dans les zones aurifères. Premièrement, le mercure que l’on utilise pour l’exploitation de l’or détruit les fleurs que l’on retrouve le long du fleuve. Les enfants se baignent dans ce fleuve, ils y puisent de l’eau et parfois ils boivent cette eau alors que le mercure est un produit qui pollue l’environnement. Les conséquences de l’implantation des industries aurifères sont dures pour nous.

S’il y a de l’or à Kédougou, alors que cet or ne bénéficie pas aux populations des terres où l’or est tiré, alors il ne nous sert à rien. Et pourtant, vous remarquerez que Kédougou fait partie des régions les plus riches du Sénégal. Rien que sur le plan économique, il y a beaucoup de ressources comme le marbre, l’or, le fer, etc. qui proviennent de Kédougou. On se dit que la région aurait dû être telle qu’elle aurait émerveillé toute personne qui la visite. Mais, Kédougou fait partie des régions les plus pauvres du Sénégal. C’est peut-être dû à la négligence des gouvernants au pouvoir, ou c’est du mépris de leur part ou alors c’est que la région est éloignée.

À Kédougou, il n’y a pas beaucoup d’écoles privées, encore moins des écoles de formation. Il y a une seule école dans le domaine technique: le lycée technique de Kédougou

A l’université de Dakar, il y a beaucoup d’étudiants venant de Kédougou qui ont besoin de logements dans les campus. Ils auraient pu être dans un immeuble construit par les sociétés minières. Certains étudiants reçoivent de l’aide mais ils sont tout de même dans une situation critique. Parfois, cinq étudiants peuvent vivre ensemble dans une seule pièce très étroite. Ils sont dans des conditions difficiles et déplorables alors qu’ils devraient être mis dans de bonnes conditions pour favoriser leur réussite scolaire. Nous demandons aux responsables des sociétés minières de construire des logements pour les étudiants.

Il y a beaucoup de choses à faire à Kédougou qui ne sont toujours pas faites. Déjà, il est difficile d’avoir de l’eau, ou de l’électricité, ou des routes bien construites. On peut à peine croire qu’on se trouve dans une région. Si les autorités voulaient vraiment développer Kédougou , je suis sure qu’ils l’auraient fait en moins de 6 mois. Ce serait comme Diamnadio. A Diamniadio, de l’argent a été investi pour bâtir cette ville. Si on investissait la même somme à Kédougou, alors on n’en parlerait plus.

Personne n’ignore qu’un pourcentage de ces ressources doit revenir aux populations vivant dans les zones aurifères. Mais la question est de savoir si la population tire vraiment profit de ce pourcentage

Kédougou le mérite. Des tonnes d’or quittent cette région vers des destinations inconnues des Sénégalais. A Dakar, il y a une association des bijoutiers du Sénégal et je me demande s’ils voient l’or de Kédougou. A chaque fois, il est dit que des tonnes d’or ont quitté le Sénégal pour l’extérieur du pays. Personne ne voit la couleur de cet or. L’État et les décideurs doivent prendre en charge cette question. Où va l’or de Kédougou ? Comment l’État utilise l’argent tiré de cet or? Quel pourcentage revient aux populations des zones aurifères excepté les écoles, les forages qui ne valent pas beaucoup? Est-ce cela le développement? En tout cas pas pour Kédougou.

Kédougou est notre fierté. Nous y sommes nés, y avons grandi et nous y habitons. Si on avait le choix, Kédougou serait aujourd’hui l’une des plus belles régions du pays mais il n’y a pas d’infrastructures, il n’y a rien de positif dans la région.

A l’université de Dakar, il y a beaucoup d’étudiants venant de Kédougou qui ont besoin de logements dans les campus. Ils auraient pu être dans un immeuble construit par les sociétés minières

Les natifs de Kédougou ont beaucoup à faire. Là où il y a de la solidarité, les efforts sont moins difficiles. Par exemple, vous voyez des milliardaires qui construisent des entreprises à Dakar. Pourquoi pas la même chose à Kédougou afin de donner des emplois aux gens d’ici? Il y a beaucoup de diplômés et de cadres venant de Kédougou. S’il y avait des entreprises et des sociétés dans notre région, tous les natifs de Kédougou qui vont à Dakar chercher du travail reviendraient ici. A Sabadola, les entreprises vont chercher à Dakar des employés qui vont venir diriger les gens de Kédougou alors qu’ici nous avons aussi des diplômés compétents. Pourquoi ? Parce que l’un vient de la capitale, l’autre de Kédougou. Je pense que ce complexe ne devrait plus exister.

Mais aussi, il faut que les jeunes de Kédougou aient accès à la formation. L’État peut ouvrir des centres de formation ici. Il y a de l’or à Kédougou et les gens ont besoin de compétences pour travailler dans ce domaine. Pourquoi ne pas former nos jeunes au lieu de prendre des experts d’ailleurs? Ce serait une excellente chose.

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