Mamadou Sanou Ba, Enseignant: « Les femmes veulent souvent travailler mais elles sont retenues dans le foyer par leurs maris qui ne leur laissent pas le choix »

Les entretiens de WATHI – Les régions du Sénégal – Focus Kédougou

Mamadou Sanou Ba

Mamadou Sanou Ba est un enseignant de la région de Kédougou dans un village du nom d’Ibel.

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Extraits

Généralement, les métiers les plus fréquents pour les femmes, on peut les diviser en deux catégories. Il y a les métiers qui sont exercés en milieu rural et les métiers qui sont les plus fréquents en milieu urbain.

En milieu rural, il faut dire que très souvent, les femmes sont des ménagères et elles gèrent leur foyer au quotidien. En plus, les femmes en milieu rural s’organisent très souvent en Groupements d’intérêt économique (GIE) avec l’aide de certaines organisations comme World Vision qui s’active beaucoup dans la zone où j’enseigne. Souvent, les femmes s’activent dans la transformation de produits locaux à savoir le pain de singe, le fonio, etc. Ce sont les deux principales activités qui permettent aux femmes de survivre. Il faut dire que ce type d’activités ne leur permet pas de s’en sortir  parce que très souvent, il y a un manque de formation. Récemment, on a constaté qu’il y a eu des tentatives de formation de la part de certaines ONG. Le beurre de karité est beaucoup transformé dans ces zones-là.

En milieu urbain, les femmes s’activent souvent dans les petits commerces. C’est récemment qu’on a constaté que les femmes de Kédougou s’activent dans le domaine de la restauration. Ce qui était noté souvent c’est que c’était un secteur qui était dominé par des femmes qui venaient d’autres régions comme Dakar, Saint-Louis ou Diourbel. Maintenant les femmes de Kédougou, à part le petit commerce qu’elles gèrent, commencent à s’activer dans le domaine de la restauration.

Il y a aussi les femmes les plus jeunes qui quittent les milieux ruraux pour venir travailler comme des domestiques en milieu urbain. Toujours dans le milieu rural, il faut savoir que les femmes s’activent dans le domaine du maraichage et du jardinage. Mais il faut noter que cette activité ne marche pas trop. Souvent, il y a un problème de manque d’eau. Il faut dire que Kédougou a les terres les plus fertiles du Sénégal mais malheureusement le manque d’eau pose énormément de problèmes aux femmes, et c’est pour cela que le maraichage n’est pas très développé. Dans la zone où je suis, elles font de la salade, du gombo, mais c’est pour un temps donné. On ne note pas une grande production. Souvent, il y a un problème de commercialisation qui se pose parce que le transport ne marche pas trop pour permettre l’acheminement de leurs marchandises jusqu’en milieu urbain.

L’agglomération de Kédougou n’est pas très dense. C’est pour quoi même dans les quartiers qui gravitent autour de la région, souvent il y a des champs. Ce qui fait que les femmes savent que même si elles transportent leurs marchandises à Kédougou, cela ne marche pas trop.

Kédougou a les terres les plus fertiles du Sénégal mais malheureusement le manque d’eau pose énormément de problèmes aux femmes, et c’est pour cela que le maraichage ne marche pas

Les femmes n’ont pas de métier à proprement parler en milieu rural. Elles n’ont que des activités. L’activité principale, comme je l’ai dit, c’est la gestion du foyer au quotidien. A part cela, les femmes s’organisent. Il y a des tontines qu’elles font une fois par semaine. Par exemple, dans mon village à Ibel, et dans les villages environnants, les femmes s’organisent en tontines pour faire de petits commerces. A Ibel, très souvent, elles achètent du thé et du sucre. Ce sont des choses très prisées en milieu rural. Elles achètent un sac de sucre, elles mettent cela en sachet, chacune prend quelques sachets et elles essaient de les revendre dans les maisons et dans les concessions qui sont près d’elles. C’est de cette manière que j’ai vu les femmes s’organiser.

Très souvent, il y a une caisse, et à chaque fois qu’il y a une cérémonie, à savoir un baptême, une cérémonie heureuse ou malheureuse, elles essaient de soutenir la femme touchée ou la voisine à côté. A part cela, il n’y a pas grand-chose. Les activités principales sont la gestion du foyer et les activités ménagères. Parfois, elles travaillent avec des ONG qui essaient de les aider.

En milieu urbain, on note que les femmes s’activent souvent dans le domaine du commerce. Souvent ce sont des femmes qui gèrent de petits commerces par ci par là. Le matin aussi, il y a des femmes qui quittent le milieu rural, dans des villages qui ne sont pas très éloignés par exemple vers Sanékouta, vers Fongolimbi, pour venir passer la journée en milieu urbain pour vendre quelques condiments et le soir elles rentrent dans leur village.

Pour les femmes qui vivent en milieu urbain, souvent, à part le domaine du commerce (dans lequel elles exercent), il y a les plus jeunes filles qui travaillent comme domestiques (filles de ménage) dans les quartiers les plus favorisés.

Les activités principales sont la gestion du foyer et les activités ménagères. Parfois, elles travaillent avec des ONG qui essaient de les aider

Il y a une autre facette de la vie de Kédougou notamment en milieu urbain, même si je n’aimerais pas entrer dans les détails.  C’est malheureux même, je suis un peu mal à l’aise pour en parler : il y a la prostitution clandestine dans certains quartiers. Souvent ce sont des filles ou bien des mères célibataires qui s’adonnent à ces pratiques. Ce qui fait qu’il y a beaucoup de maladies.

C’est souvent lié à l’exploitation de l’or. Il y a souvent des étrangers, des Burkinabés, des Maliens qui viennent en milieu urbain les week-ends, qui fréquentent ces femmes. C’est une zone où la prostitution est très forte. La prostitution est aussi une pratique très présente  à Kédougou.

Par exemple, j’ai eu un ami qui était en sociologie, qui a passé quelques jours à mon domicile.  Il faisait des enquêtes sur la prostitution dans les zones d’orpaillage. Il m’a expliqué beaucoup de choses sur le sujet . C’est une chose qui est notée à Kédougou et c’est dû à la pauvreté.

Il faut savoir que les difficultés des femmes sont souvent liées à leurs conditions de vie. Les femmes au foyer n’ont pas d’activités. Souvent, ce sont les hommes qui doivent, en principe, subvenir aux besoins du foyer. Malheureusement, ces derniers aussi n’ont pas trop d’activités, à part ceux qui s’activent dans le domaine de l’enseignement ou qui sont dans les ONG ou qui travaillent dans les industries aurifères. Ils sont très peu.

Les femmes sont obligées de travailler, que ce soit en milieu urbain ou en milieu rural, pour nourrir les enfants et s’occuper du foyer. Les femmes en milieu urbain font du commerce par ci, par là et les femmes en milieu rural sont dans le domaine du maraichage et dans le domaine de la transformation des produits locaux. Ca ne permet pas trop aux femmes de vivre.

Dans certaines zones d’orpaillage, il y a des femmes qui s’activent dans l’orpaillage traditionnel surtout chez les Malinkés. Malheureusement, ça ne paie pas trop. Parfois, on voit certaines femmes qui gagnent leur vie mais les revenus sont faibles. La recherche de l’or est souvent faite grâce à certaines machines et elles coûtent très cher. Là aussi, ça ne paie pas trop.

Dans le domaine de la formation, je constate qu’il y a des ONG comme World Vision qui sont très présentes dans la zone de Kédougou. Souvent, il y a des sessions de formation qui sont organisées pour les femmes dans la transformation des produits locaux, la commercialisation et même parfois la labellisation.

Je pense que la formation, les femmes de Kédougou en ont besoin. Il en est de même pour la sensibilisation. Les femmes veulent souvent travailler mais elles ne savent pas comment travailler. Surtout en milieu rural où les femmes veulent souvent travailler mais elles sont retenues dans le foyer par leurs maris qui ne leur laissent pas le choix. Il faut dire qu’il y a un problème de confiance de la part des maris. Souvent, ces derniers ne veulent pas que les femmes se déplacent pour travailler ou quitter les milieux ruraux pour se rendre en ville et faire de petits commerces, commercialiser leurs produits transformés.

Dans certaines zones d’orpaillage, il y a des femmes qui s’activent dans l’orpaillage traditionnel surtout chez les Malinkés. Malheureusement, ça ne paie pas trop

Il y a un autre facteur qu’il faut relever. Souvent, il faut sensibiliser les femmes dans le domaine de l’éducation, dans le domaine de l’alphabétisation. Parfois, même si les femmes veulent travailler, elles ont très souvent des problèmes pour écrire, prendre des notes, etc. Elles ont des problèmes dans le domaine de l’alphabétisation. Elles ne savent pas lire et écrire. C’est également une question qui pose énormément de problèmes aux femmes de Kédougou.

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