Ndèye Ndeub Diagne, Point-focal Écoutes et Orientations des victimes de VBG: « Beaucoup de femmes n’ont pas accès à la justice à Kaolack parce qu’elles n’ont pas d’actes d’état civil »

Les entretiens de WATHI – Les régions du Sénégal – Focus Kaolack

Ndèye Ndeub Diagne

Ndèye Ndeub Diagne est coordonnatrice du point d’écoute et d’orientation des victimes de violences basées sur le genre à Kaolack pour l’Association pour la promotion de la femme sénégalaise (APROFES).

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Extraits

Quelle est la situation des femmes et des jeunes filles à Kaolack?

C’est comme dans les autres régions parce qu’il faut voir que les femmes font partie de la moitié de la population ainsi que les jeunes mais on a vu qu’elles sont insuffisamment représentées dans les instances de décision. Si on parle d’instances de décision, on parle du gouvernement où il y a peu de femmes et des autres instances locales où il y a la parité sur les listes mais pas dans les instances.  Tout cela doit être corrigé.

C’est pour cela qu’au niveau de Kaolack, il y a des femmes qui ont pris la parole lorsqu’ il n’y avait pas de parité surtout au conseil municipal. On avait même déposé une plainte à la Cour d’appel concernant la constitution du bureau. On nous avait débouté. On a saisi la Cour suprême et on avait gagné le combat.  On a signifié la décision au niveau du conseil municipal, jusqu’à présent la mairesse n’a rien corrigé. Il faut voir que leurs instances sont plutôt politiques. Elle dit à chaque fois que c’est le président de la République qui a fait sa liste, pas elle, et donc elle respecte la décision du président de la République.

L’accès à la santé est-il facile pour les femmes de votre localité?

Il faut dire que du moment où nos plateaux médicaux ne sont pas encore relevés, il y a des problèmes, surtout avec la Couverture maladie universelle (CMU). L’État doit beaucoup d’argent aux postes de santé et cela affecte les femmes et les jeunes qui sont les plus vulnérables. Si les postes de santé arrêtaient leurs prestations, ce sont les femmes qui seront les plus touchées car ce sont les femmes qui sont au cœur de la société.

Il  y a des femmes qui ont pris la parole lorsqu’ il n’y avait pas de parité surtout au conseil municipal. On avait même déposé une plainte à la Cour d’appel concernant la constitution du bureau. On nous avait débouté. On a saisi la Cour suprême et on avait gagné le combat.

Comment faire pour encourager la présence de plus de femmes dans les instances de décision?

Il faut respecter les textes et appliquer la loi telle qu’elle est parce que le Sénégal n’est pas en reste. On a signé et ratifié les textes et les chartes mais jusqu’à présent c’est l’application qui laisse à désirer.

Y-a-t-il beaucoup de plaintes concernant les violences faites aux femmes dans la région?

Mais bien sûr ! Au niveau de Kaolack, du moment où je suis la coordonnatrice du centre d’écoute, on accompagne les femmes à chaque fois dans leurs procédures judiciaires niveau du tribunal. Là aussi, le problème est que beaucoup de femmes n’ont pas d’état civil. Si je parle d’état civil, c’est que des fois elles n’ont pas d’extrait de naissance ou elles n’ont pas un certificat de mariage.

Pouvez-vous nous expliquer comment l’absence de documents d’état civil limite l’accès à la justice pour les femmes qui subissent des violences?

Le mariage coutumier est légitime mais ce n’est pas du tout légal. Il faut le rendre légal dans les six mois qui suivent le mariage religieux. Mais c’est toujours un problème au Sénégal où on dit que seul un juge peut prononcer le divorce. Le mariage coutumier est autorisé mais ce n’est pas du tout légal parce que s’il y a problème, c’est seule la justice qui peut trancher. Cela bloque l’accès à la justice car la justice ne reconnaît que les papiers.

Si je parle d’état civil, c’est que des fois elles n’ont pas d’extrait de naissance ou elles n’ont pas un certificat de mariage

Quels sont les autres problèmes que les femmes victimes de violences vous soumettent au centre d’écoute et d’orientation des victimes de violences basées sur le genre?

La plupart des femmes nous parlent des violences économiques surtout comme l’abandon de famille, le non-respect de la pension alimentaire. C’est aussi le viol en général et les violences physiques. Si on parle de viol, c’est dans le cadre plus global de  l’agression sexuelle où on a l’inceste, le viol, la pédophilie, le mariage précoces et forcés ; et on en reçoit beaucoup.

Comment faire pour changer les choses au niveau de la société mais également au niveau de la  justice?

Nous, la société civile, on fait de la prévention et de la sensibilisation. Dans notre organisation, notre stratégie c’est la formation des relais communautaires, des para-juristes et la tenue de causeries. Il y a le renforcement de la sensibilisation par le théâtre. On a créé une troupe théâtrale qui reprend nos thèmes, on fait aussi des émissions de radio, des émissions interactives toutes ces stratégies pour sensibiliser le grand public.  Il faut sensibiliser, encore sensibiliser et toujours sensibiliser pour une communication et un changement de comportement. Changer un comportement c’est une chose mais changer la mentalité est un autre combat.

Pour construire une société meilleure, il faudra que les hommes et les femmes s’entendent, il faut que les hommes et les femmes aient  accès aux mêmes informations

Pour changer les choses, il faut savoir que  » tu es un homme et moi je suis une femme ». Nous sommes des individus et nous ne pourrons pas développer la société sans les hommes ni les femmes. Nous ne sommes pas des ennemis. Ensemble nous devrons construire une société meilleure et pour construire cette société, il faudra que les hommes et les femmes s’entendent, il faut que les hommes et les femmes aient accès aux mêmes informations. Ce que nous détestons, notre combat premier c’est les inégalités de genre. Il faut impliquer les hommes, les femmes, les jeunes et les enfants qui ont leurs droits qu’on doit respecter aussi.

 

 


Source photo : Sunu Nataal

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