Yewwi Askanwi, la nouvelle coalition de l’opposition : leurre ou lueur ?

Yewwi Askanwi, la nouvelle coalition de l’opposition : leurre ou lueur ?

Bocar Harouna Diallo

Une faction de l’opposition composée principalement d’anciens dignitaires des différents gouvernements de Abdoulaye Wade et Macky Sall a mis sur pied une nouvelle coalition politique, Yewwi Askanwi (Délivrer le peuple), en vue des élections locales. On retrouve dans cette coalition d’anciens ministres et d’anciens directeurs haut-placés qui ont bénéficié des privilèges du pouvoir pendant de longues années. Après avoir quitté le navire gouvernemental, beaucoup ont été durs envers leurs anciens patrons et les ont taxés de tous les noms. Certains ont fait preuve de virulence dans leurs discours politiques et médiatiques en pointant du doigt le régime.

Mais cette coalition ressemble à une amicale regroupant des intellectuels politiques qui ont des objectifs non-dits tout en faisant semblant d’avoir la même et unique pensée.  Yewwi Askanwi n’est pas la première des coalitions d’opposants qui naviguent parfois à contre courant de la réalité. Nous avons vu le Benno Siggil Sénégal, une coalition de 35 partis politiques portés par le Parti Socialiste et l’Alliance des Forces du Progrès, pétrie de talent et d’expérience et qui regroupait la crème politique de l’époque. Plus récemment, il y a eu la naissance de Manko Wattu Sénégal et Manko Taxawu Sénégal, mais toutes ces coalitions se sont soldées par un échec aussi spectaculaire que la chute d’un château de cartes.

Cela montre à quel point l’opposition sénégalaise est faible et fait face à un problème majeur de leadership et d’objectifs communs. Paradoxalement, les opposants disent œuvrer pour l’intérêt des Sénégalais de tous bords.

Cette coalition ressemble à une amicale regroupant des intellectuels politiques qui ont des objectifs non-dits tout en faisant semblant d’avoir la même et unique pensée

La coalition Yewwi Askanwi a été rejetée par le fondateur du Parti Démocratique Sénégalais, Abdoulaye Wade, qui la considère comme un jeu d’enfants. Bougane G. Dany, candidat à la mairie de Dakar et patron du groupe de presse D-Media, a rejoint la coalition mais avec des réserves. Il y a de fortes craintes que cette coalition finisse en queue de poisson comme ce fut le cas à la veille des élections législatives de 2017.

Dans cette histoire, Ousmane Sonko, leader du parti Pastef et membre de la coalition, me parait le grand perdant. L’homme a farouchement montré son désaccord avec le gouvernement actuel en ayant comme slogan : « Je suis antisystème ». Il a toujours été amer avec les gens du système allant jusqu’à dire que les anciens présidents devraient être fusillés tout en critiquant sans complaisance. Aujourd’hui, avec la coalition Yewwi Askanwi, Sonko retrouve les fils du système et ces retrouvailles laissent des doutes sur sa crédibilité et son discours anti-systéme.  N’est-il pas en train de prendre le chemin pour se dédire de ses engagements ? Oui, il me semble qu’il s’est retrouvé avec des politiques qui ont un sombre avenir sur le terrain. Et il sera difficile de concilier le discours et la réalité du terrain.

L’opposition sénégalaise est faible et fait face à un problème majeur de leadership et d’objectifs communs

Quant à Khalifa Sall, il ne sera pas éligible pour les locales de 2022 et il sait que son poids électoral n’est plus significatif. La coalition sera une occasion pour lui de rebondir politiquement. Aïda Mbodj, la lionne du Baol a aussi connu une baisse de forme politique tout comme pour Barthélémy Dias qui ne fait rien d’autre que du show politique à Dakar.

Certains signataires de la coalition sont inexistants politiquement, ce qui explique leurs interventions médiatiques pour ne pas être oubliés. D’autres font de la politique par circonstance car voulant juste montrer leur frustration après avoir quitté le gouvernement. Les débutants politiques quant à eux profitent de la situation pour se faire de la publicité.

La coalition me parait faible devant le président Macky Sall, réputé pour sa ruse politique. Il risque de gagner librement les futures joutes électorales.

Aujourd’hui, avec la coalition Yewwi Askanwi, Sonko retrouve les fils du système et ces retrouvailles laissent des doutes sur sa crédibilité et son discours anti-systéme

La boulimie du pouvoir et la frustration ne doivent pas permettre d’oublier l’éthique et la déontologie politique. Les signataires de la coalition Yewwi Askanwi ont le grand défi de maintenir l’union sacrée. Si jamais la coalition vole en éclats – ce qui est d’ailleurs probable – la honte aura encore son mot à dire et l’histoire retiendra que le Sénégal n’a jamais eu une opposition unie avec des objectifs officiellement communs.

Les élections locales seront un test. Pour l’heure, l’un des premiers obstacles auxquels devront faire face l’opposition sera le problème crucial des investitures. Qui sera tête de liste ? Une candidature unique est-elle envisageable ? L’avenir nous donnera les réponses à ces questions. En attendant, le peuple est mature et souverain.


Credit photo: Exclusif.net

 

Bocar Harouna Diallo

Bocar Harouna Diallo est géographe spécialisé dans la gestion et le développement des espaces ruraux.

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